by Sélène Syghiss » Wed Feb 16, 2011 9:09 pm
- Oui Lieutenant ! A vos ordres Lieutenant !
Toutes les recrues se mettent en branle d’un seul et même mouvement. Déjà la douleur lui vrille les jambes et elle serre les dents. Devant elle, quatre rangées de cinq hommes. Caëlia et Sélène sont au milieu de la sixième rangée, une armoire à glace de chaque côté. Ils ne s’accordent pas un regard et chacun répond à l’appel. Sélène note les absents et un sourire satisfait s’étire sur ses lèvres malgré le mal qui la rouge. Ils passent les portes de la caserne et une brusque rafale de vent les balaie furieusement. Protégée car se trouvant au centre, elles n’en souffrent pas trop. Les deux malabars ne bougent pas d’un pouce mais Sélène se trouve obligée de redresser le compagnon devant elle. Pas un remerciement, ni même un regard pourtant elle la fait en douceur, du plat du bouclier. L’appel finit, le capitaine entame un chant guerrier aussitôt reprit par la troupe. Le premier kilomètre se passe sans histoire puis Sélène sent quelque chose de chaud couler sur sa jambe. Baissant légèrement les yeux, elle aperçoit un filet de sang.
- Ça commence bien.
L’homme derrière elle n’est pas assez rapide pour ranger sa lance dont le bout est rougie. Sélène fulmine comprenant qu'il l'a volontairement blessée mais Caëlia est plus prompte à réagir. Un coup de bouclier bien placé, rapide, juste en dessous du menton là où la jugulaire est juste assez épaisse pour éviter les entailles fatales. L’homme sonné, perd l’équilibre et chute, entraînant deux autres infortunés. Le temps qu’ils se relèvent, le troupe a pris une sérieuse avance mais rien n’est perdu, ils forcent l’allure. Personne ne bouge ou ne dit mot, occupé à chanter à pleins poumons. Le capitaine ralentit l’allure pour observer ses troupes et voit le sang sur la cuisse de Sélène. D’un signe de tête, il fait comprendre à Sélène de se mettre sur le côté mais elle l’ignore. L’homme pâlit et son regard se fait meurtrier. Aucune femme ne devrait faire partie de la légion selon lui et il est bien décidé à les mater. Il remonte la colonne, Sélène continue de courir. Son barda lui broie le dos, paraissant de plus en plus lourd, les lanières de cuir déformant le métal léger couvrant ses épaules. Elle plie la tête et puise en elle. Soudain, le paquetage se fait moins lourd.
L’homme sur la droite a passé son bras sous son sac. Sélène le remercie d’un signe de tête et comprend soudain pourquoi elles se sont retrouvées placées ainsi. Il en va de même pour Caëlia et le reste de la troupe au fur et à mesure de leur avancée. Le vent reste furieux et glacial mais les corps à présent chauds, ne souffrent plus et de la buée s’élèvent au-dessus des têtes. Ils sont enfin au complet, les recrues ayant chutées se retrouvant dernières et en piteux état. Le sol lui-même semble vouloir les tester plaçant insidieusement des cailloux sous leurs semelles. Certaines chevilles se tordent mais le message de leur lieutenant avait été compris. Les rangs sont resserrés, les hommes épaules contre épaules, ils ne forment plus qu’un seul bloc, un seul soldat. Des mouvements internes surveillés du coin de l’œil par le capitaine animent la troupe et soulagent chacun d’entre eux tour à tour. La course touche à sa fin.
La sagesse naît de l'ignorance et de son acceptation.
