La légion, c'est pas facile tous les jours!

[Conscience Universelle]

Leothen observa Caëlia faire ses preuves en ouvrant le chemin. Au début, il trouvait qu’elle se débrouillait pas mal malgré le courant et le manque d’oxygène sous l’eau. Mais, quand il la vit hésiter, il se demanda pourquoi. Avait-elle peur de l’eau ? Une chose est sûre, elle avait surmonté sa peur en avançant. Et pour ca, il était fier d’elle. Aussi, se laissa t’il allait à surveiller la progression de Jord et de Sélène pour voir comment ils s’en sortaient, en s’arrêtant un moment. Puis il repartit quand il ne vit rien de spécial si ce n’est tout ce qu’il attendait d’eux. Il trouvait tout de même que Sélène avait des drôles de facilités sur le parcours… à des endroits où lui-même avait du mal. Aussi haussa-t-il les épaules et avança pour rejoindre Caëlia et attendre les autres. Quand ils arrivèrent enfin, il intima Jord de passer devant.
La suite du parcours était ardue d’une manière différente. La longe n’était qu’à quelques dizaines de centimètres de la surface mais elle était en ligne droite et donc totalement à contre courant. Jord passa devant sans problème et le lieutenant laissa Caëlia le rejoindre, mais il attendit que Sélène passe pour poser sa main sur son épaule la plus proche et l’arrêter. Il la regarda dans les yeux et lui dit d’une voix soupçonneuse :

« Tu caches un truc la. Je t’observe depuis tout à l’heure, je ne sais pas encore quoi mais tu ne fais pas bien l’exercice. Et ca sert vraiment à rien de faire semblant, autant passé sur le rivage. »

Il la regarda au niveau du cou et continua :

« Donc, on va faire comme si j’étais blessé et que tu devais me remonter la haut. Ce sera ta punition. Je m’accroche à ton cou pendant que tu nous remonte tout les deux pendant cette étape. On va voir ce que t’as dans les bras. En avant, soldat ! »

Sur ces mots, il avança près d’elle et passa ses bras autour de son cou et cala sa tête contre son buste pour la laisser l’emmener sur le parcours comme si il était tout juste conscient pour se tenir à elle en enlaçant son cou, les avants bras posés sur ses épaules. Il lui dit ces mots d’avertissements :

« Et pas de tour ! Ou je te fais courir toute l’après midi sans une seule gourde ! On entraine son corps ce matin, pas ses capacités spéciales ou naturelles.»

[Sélène Syghiss]

Sélène suit la progression de Jord et Caëlia avec attention. Elle pousse un léger soupir lorsqu’ils gagnent l’autre côté et sourit. Le lieutenant ne semble pas s’engager aussi pose-t-elle une main sur la corde. Sa poigne l’empêche d’aller plus loin et elle lève sur lui un regard interrogatif. Les yeux de Leothen sont loin d’être souriant, plutôt accusateurs. Lorsqu’il prend la parole, un léger voile rouge colore les joues de Sélène qui hausse les épaules. Elle fronce les sourcils à ses mots et serre les dents, retournant sept fois sa langue dans sa bouche avant de prendre la parole.

- Non Lieutenant, je ne fais pas semblant Lieutenant.

La voilà maintenant chargée d’un poids supplémentaire et elle maudit intérieurement le sens de l’observation de son supérieur. Pour rendre la chose plus difficile encore, il s’est placé devant et elle ne peut retenir un rictus désabusé. Glissant les mains entre eux, elle dénoue tour à tour leur ceinture pour les mêler ensemble, serrant fortement et ce intentionnellement comme pour le défier.

- Oui lieutenant.

Elle rentre lentement dans l’eau et lorsque celle-ci atteint sa taille, elle passe les jambes du lieutenant de chaque côté de sa taille. Le visage fermé et concentrée, elle s’avance faisant face au courant, diminuant ainsi le risque pour le faux semi-conscient d’avaler trop d’eau. De plus ainsi posté, se tenir à elle devient moins ardu. Ses spartiates collent aux rochers alors qu’ils sont bientôt presque entièrement recouverts d’eau. Le regard de Sélène fait des vas et vient entre l’autre côté et le lieutenant.

- J’espère que vous avez une bonne poigne Lieutenant.

Elle est obligée de parler plus fort pour couvrir le vacarme de l’eau déchaînée. Le halo protecteur a disparu, ses muscles sont bandés, sa respiration rapide, Sélène rejette l’air par le nez. Les premiers mètres s’avèrent les plus difficiles car sous ses pieds, les rochers sont plus profonds et Sélène n’a plus que le visage au-dessus de l’eau. La jeune femme siffle entre ses dents et son corps s’arque sous la pression subie. Elle tient la corde paumes faces à la cascade et laisse son corps s’éloigner un peu. Ses bras sont déjà fortement sollicités, il n’est donc pas nécessaire de lutter pour rester au plus près de cette liane glissante. Cramponnée fermement, elle assure lentement ses prises pédestres puis déplace ses mains l’une après l’autre. Le lieutenant fait on ne peut mieux le blessé, son poids lui coupant la respiration par moment mais l’entêtée tient bon. Même si elle est ce que l’on peut définir comme un élémentaire d’eau ou quelque chose du genre, Sélène n’a jamais rechigné à affronter cet élément avant de pouvoir prétendre l’utiliser et elle est bien décidée à lui prouver. Elle ressent les différents remous le long de sa peau et s’arrête de temps en temps, attendant que cela se calme un peu. L’envie de lâcher son supérieur est très tentante mais cela risque de lui coûter trop cher. Une quinte de toux lui déchire les poumons, au moins aura-t-elle assez bu pour un moment et la jeune femme prend cela avec un humour certain. Ils n’ont fait que trois mètres mais aucune plainte ne s’échappe de la gorge de la recrue. Une lueur sauvage brille dans son regard aussitôt remplacée par une victorieuse lorsqu’elle sent qu’ils remontent à nouveau.

L’inconvénient devient alors tout autre, le poids du lieutenant pesant maintenant sur ses épaules. Sélène se dit qu’il devrait sérieusement penser à un régime alors que sa peau déjà irritée par le port du barda ne résiste pas, laissant quelques fils rouges danser sur la surface. Ses épaules sont rapidement à sang et seul la crispation de son visage trahit la souffrance qu’elle ressent. Il devient urgent d’accélérer si elle ne veut pas céder et ses enjambées se font plus rapides. Elle entend par-dessus le bruit de l’eau, les encouragements de ses deux acolytes et cela lui réchauffe quelque peu le cœur, lui offrant les dernières forces nécessaires pour les rejoindre. Elle s’arrache de l’eau d’un coup de hanches violent puis prend appui sur une roche pour laisser le Lieutenant se détacher d’elle.

[Conscience Universelle]

Astucieuse et disciplinée. Tel furent les deux mots que le lieutenant trouva pour la qualifier. Même si le deuxième avait l’air plus compliqué. Mais bon, si elle voulait entrer dans la légion, il faudrait passer par la et ravaler sa fierté personnelle. Aussi, quand ils arrivèrent au bout, Leothen reprit pieds pour la soulager et la regarda un instant dans les yeux appréciant la hargne qui l’a fait ne pas abandonner vu son poids. Car, il fallait avouer qu’avec l’armure, le lieutenant pesait lourd. Il se désenlaça de son cou et détacha la ceinture avec une facilité déconcertante, puis s’éloigna après avoir hoché de la tête verticalement pour s’assurer que ca allait et qu’elle avait pigé le but de l’exercice.

Il quitta la rivière pour monter sur la berge et lança un ordre qui fracassa l’espace, elle était la sa magie à lui, capable de faire marcher au pas une armée par la seule force de sa voix :

« Fin de l’entrainement, rassemblement sur la berge ! Vous avez gagné le droit de redescendre à sec. »

Pour une fois, il était sincère et laissa le capitaine rassembler les hommes pour commencer à descendre, cette fois ci en marchant, le long du chemin qui longeait la berge en direction des paquetages. Pas de courses, pas d’épreuves, juste une marche tranquille, non poussée. Laissant bien un bon quarante cinq minutes pour descendre jusqu’en bas. Car mine de rien, deux bonnes heures s’était écoulée depuis le début de l’épreuve de l’eau et il était temps d’aller manger.

Il laissa donc ses recrues légionnaires apprécier la pause et descendit longuement en fredonnant jusqu’aux paquetages. Mouillé juste aux os mais heureux. Comment pouvait-il garder ainsi son sang froid ? Il paraissait imperturbable, même voué à affronter la pire des fosses emplit de cauchemars quadrupèdes.

[Sélène Syghiss]

Sélène respire de nouveau, libérée du poids du lieutenant et inspire à pleins poumons. Elle réprime une grimace en le voyant se désentraver si facilement, il lui faudrait trouver une autre façon de faire des nœuds. Elle soutient son regard d’un air tranquille et hoche la tête, dans une affirmation silencieuse. Caëlia laisse Leothen passer puis se rapproche de la jeune femme rousse, suivie de Jord.

- Belle démonstration.

Sélène rougit jusqu’à la racine des cheveux puis sourit.

- Il m’a épuisée le bougre.

Tous trois éclatent de rire et regagnent la berge. Ils se figent lorsque la voix du Lieutenant occupe l’espace comme s’il n’y avait plus qu’elle. Les trois recrues se regardent surprises mais Caëlia et Jord sont satisfaits. Pour Sélène, il en est tout autre et elle marmonne entre ses dents. A quoi joue-t-il ? Pourquoi une pause alors qu’ils devaient redescendre. Elle pâlît brusquement en se demandant si ce n’est pas pour elle et se raidit. Sans un mot, elle rejoint les rangs où les impressions, les analyses vont bon train. Elle se rend compte qu’elle est vraiment épuisée comme tous ici et que finalement ce n’est pas un si mauvais choix, elle s’écarte pour se mettre dans un coin. Rapidement, elle ôte ses spartiates et enfouit ses pieds dans l’herbe grasse et tendre. Un vrai délice et elle soupire d’aise avant de filer se mêler aux autres. Le capitaine l’a-t-il vu ? Elle s’en fiche pas mal, ils sont en pause.

La jeune femme constate que Caëlia ne quitte pas le lieutenant des yeux, admirative et glousse avant de lui donner un petit coup de coude dans le flanc. Les voilà toutes les deux s’esclaffant, laissant perplexes les autres quant à la raison de leur hilarité. Mais la marche a vite raison de l’humeur joyeuse de Sélène car l’armure frotte sur ses épaules blessées et elle serre les dents. Jord qui n’est pas dupe, secoue doucement la tête et force l’allure pour parvenir à hauteur du Lieutenant. Il est le seul à être en parfait état physique presque aussi guilleret que Leothen. les autres recrues se demandant comment ils font et surtout le Lieutenant avec tout son actif derrière lui.

- Permission de parler Lieutenant ?

Sélène l’a suivi du regard intriguée et en profitant un peu au passage. Il lui serait facile de guérir ses plaies avec de l’eau mais cela serait tricher comme l’avait si bien dit le Lieutenant auparavant. Caëlia lui glisse une remarque sur le fait qu’elle devrait justement demander la permission de bander ses épaules afin de pouvoir continuer la journée en acteur et non en spectateur. Sélène opine du chef et soupire, il n’est pas facile de reconnaître que l’on n’est pas en état de poursuivre mais la jeune femme sait ravaler sa fierté quand cela s’avère nécessaire. Elle attend donc son tour pour aller s’adresser au Lieutenant, pas question de parler au capitaine qu’elle ne porte pas du tout dans son cœur.

[Conscience Universelle]

Leothen entend les rires dans les rangs, mais ne se retourne pas. Il les accepte, après tout, c’est leur pause, c’est leur chance de pouvoir profiter un peu de la nature, de la brise agréable et des nombreux arbres qui les entourent. Le moral des soldats se forge dans ces moments d’intimités avec leur environnement, il fallait savoir apprendre à apprécier les moments de calme entre deux tempêtes pour récupérer aussi bien psychiquement que moralement. Lui, il avait ramassé une fleur qui trainait la et arrachait longuement ses pétales après l’avoir observé pendant de longues minutes, sans s’arrêter de marcher. Il pensait, rêvait à ses années passées, à ses premières classes en temps que Légionnaire. Ho, il pourrait dire que c’était plus dur jadis, mais l’était-ce vraiment ? Où était-ce simplement une illusion à cause des forces qu’il avait gagnées entre temps ? Une chose est sûre, la voix de Jord le sortie avec surprise de ses pensées et il lui répondit d’une voix calme :

« Normalement, tu dois respecter la hiérarchie, Jord. Tu parles à ton capitaine et ton capitaine me parle. C’est comme ca que ca se passe. »

Puis, il fit un geste machinal et jeta la fleur avec un sourire en coin, il avait dit ca sur le ton du professeur et non du lieutenant, comme si il sermonnait un élève pas sage mais sans vraiment le sermonner. Juste en lui faisant prendre conscience de sa bêtise en énonçant ce qui était marqué dans un livre. Mais sans vouloir lui dire qu’il avait tord. Car, il n’avait pas tord, il avait juste jugé bon de passer la hiérarchie et Leothen savait qu’il avait tout à fait raison :

« Mais soit, on va dire que je vous en ai bien fait baver ce matin, alors dis moi donc, ce qui te fait tant prendre le risque de ne pas respecter la hiérarchie. »

Il avait entendu les pas légers d’une femme dans le dos de Jord et il se doutait de qui il s’agissait. A l’écoute de ses pas, elle avait enlevé ses spartiates et marchait pieds nues. Il fut amusé d’arriver à reconnaitre cela et ne pu s’empêcher de penser à une autre leçon qui lui venait à l’esprit. Il voulait presque leur dire pourquoi il y avait une certaine discipline dans la légion mais ne savait pas si il en avait vraiment envie. Aussi, haussa-t-il les épaules et se dit qu’une remarque sans réel ordre serait tout à fait convenable pour la situation :

« Vous savez pourquoi on porte tous le même modèle de spartiates ? Pour que les éclaireurs nous définisse comme une cohorte de légion mais ne puisse en dire plus à leurs supérieurs. Les armées n’appréhendent pas de la même manière, une légion disciplinée qu’une troupe de mercenaires. Les armées appréhendent de s’attaquer à une légion. Les hommes ont peur des lions… »

Il ne s’arrêta pas et continua faisant un geste en levant sa main au capitaine pour lui dire que ce n’était rien et qu’il n’avait pas besoin d’intervenir si il avait souhaité réprimander Jord ou Sélène. Les hommes avaient quartier libre pour cette marche et c’était comme ca. Même le capitaine était leur égale à ce moment même, recrue ou pas recrue…

[Sélène Syghiss]

Le capitaine plisse les yeux, le visage fermé en observant la manœuvre de Jord. Pourtant il ne dit rien car il s’agit d’une de leurs meilleures recrues. Jord laisse parler le Lieutenant, il sait qu’il a raison mais il sait aussi que le capitaine ne peut supporter Sélène et Caëlia, aussi a-t-fait ce choix. L’homme hoche la tête mais ne s’excuse pas, cela n’est apparemment pas nécessaire.

- Je me demandais s’il serait astucieux ou non de faire un état des potentielles blessures physiques Lieutenant.

Ce sont là ses seules paroles et il ne commente pas celles de Leothen. Jord ne tourne pas la tête lorsqu’il sent Sélène se rapprocher, fendant les rangs. Il se contente de sourire et de hausser les épaules. Là encore le lieutenant leur rappelle certaines règles mais sans les punir. Sélène qui est maintenant exposée aux yeux de tous, pieds nus, soupire, sous les rires légers mais néanmoins amicaux de ses compagnons de galère. Cela suffit à la renfrogner et à exacerber sa fierté ce qui au vue de ses blessures n’est pas une bonne chose. Elle s’écarte de nouveau et renfile ses spartiates avant de regagner les rangs, les lèvres pincées. Le capitaine a un sourire mauvais sur le visage, satisfait de la voir être remise en place, bien qu’il juge que cela ait été fait trop amicalement. S’il n’avait tenu qu’à lui, elle aurait reçu une sacrée correction. Les autres essaient tant bien que mal de la faire dégonfler un peu avec quelques tapes amicales dans le dos mais rien n’y fait. Même Caëlia se mord les joues pour ne pas exploser de rire devant la réaction de son amie qu’elle juge un peu exagérée et surtout très cocasse. Sélène lui tire la langue ne pouvant retenir un léger sourire de fleurir sur ses lèvres. Elle glisse ensuite les mains sous son plastron afin de le soulever un peu pour soulager ses épaules.

Sont-ils tous dans le même état qu’elle ou son physique n’est-il vraiment pas à la hauteur. Caëlia se penche à son oreille et lui murmure quelques mots. Sélène penche la tête, abasourdie et se demande pourquoi elle n’y a pas pensé avant. Elle décide de suivre le sage conseil de Caëlia et hoche la tête. Elle se secoue et observe les lieux attentivement, appréciant ce que la nature leur offre dans ce moment de souffle. Sélène s’évade complètement, rêvant de grands espaces à parcourir, de nouvelles choses à apprendre, bien loin de cette rigueur disciplinaire dont elle a du mal à s’y plier. Voyager et devenir paladin voilà ce à quoi elle aspire réellement. Le capitaine ne dit rien en comprenant le geste de Leothen mais elle ne perd rien pour attendre, il l'attraperait le moment venu.

[Lunh]

Le soleil s’était déjà levé depuis quelques heures, mais cela n’arrangeait pas les gars qui marchaient en groupe, trainant le matériel, les montures aussi souffraient et pas qu’un peu. Lunh était même descendu du dos d’Elukar pour le soulager.. La chaleur ne les gênait pas tellement, mais les nombreux kilomètres parcourus depuis des semaines, après les combats qui s’étaient terminés de manière sanglante sous une chaleur de taille en bordure de désert, les achevaient complètement, tant physiquement que moralement. Le contrat avait été rempli, et malgré le paiement qui était tombé et la route reprise, le cœur n’y était pas. Pas que les hommes en avait quoi que ce soit à faire de l’éthique et du but de l’employeur, ça n’avait jamais été un problème pour eux, mercenaires, mais chacun avait senti une inexplicable réticence à abattre la besogne. Il s’était passé quelque chose de louche qu’on leur avait volontairement caché, Lunh le savait, c’était un fait établi. Il avait donc prudemment donné le départ à un horaire plus tôt que celui prévu, préférant bénéficier de la fraîcheur providentielle de la nuit et de filer vers l’ouest. La protection de ses hommes primait sur le reste. Il avait bien fait, le lendemain, l’autre compagnie de mercenaires qui avait été employée avait fini son contrat avec l’exécution et l’assassinat de ses membres. L’employeur avait réglé son petit plan comme une horloge.
Le Capitaine n’était pas du genre à chercher la vengeance, même pour un crime comme celui-là. Ses hommes étaient sains et saufs, cependant, il ne doutait pas qu’il entendrait de nouveau parler de l’employeur. Les témoins gênants, on les passait au fil de l’épée. En cet instant, le regard de glace de Lunh avait des allures effrayantes. Il n’avait eu aucun atome crochu avec ceux de l’autre compagnie, mais l’exécution de celle-ci lui avait donné une raison valable pour laisser sa colère transparaître.

- Capitaine ?

Un de ses hommes était monté à sa hauteur, tandis qu’il marchait en tenant la bride d’Elukar. C’était l’un des plus jeunes membres de la troupe, mais c’était également le plus meurtrier d’entre eux. C’était un Être qui ne vivait pleinement qu’au milieu du sang et du combat, Lunh avait réussi à canaliser cette soif irrépressible grâce à un travail intense à ses côtés. Aujourd’hui, c’était l’un de ceux qui était les plus fiables dans sa compagnie.

- Oui Rage ?

Rage, c’était comme ça que les autres l’avait nommé. Le visage dissimulé sous une cagoule de tissu enroulé, le jeune homme releva son regard ambré vers celui glacé de Lunh. Chacun des hommes avait le droit de s’exprimer librement avec lui, c’était une règle d’or.

- Capitaine... Vous pensez qu’on risque d’être poursuivi par les soldats de notre dernier contrat ?...

- J’en suis même certain. Il va falloir rester vigilant, malgré les talents de Cartilage, je pense qu’ils finiront par savoir la direction que nous avons pris. Ils ont de bons pisteurs.

- Aussi bon que vous ?

Un sourire naquis au coin des lèvres de Lunh, qui devinait celui de Rage sous sa cagoule. Ce petit avait de quoi en revendre et le Capitaine savait bien que quelque part, il espérait qu’on les retrouve afin d’étancher sa soif de sang et de mort. Mais jamais il ne ferait prendre de risques aux siens, qu’il considérait comme sa nouvelle famille. Lunh tapota son épaule en souriant de plus bel alors que le jeune homme redressait la tête vers l’avant.

- Il y a une rivière pas très loin, Capitaine... Je l’entends.

En effet, tendant un peu l’oreille, Lunh perçut l’écho d’une rivière, au courant pour le moins fort. C’était une aubaine à saisir, la compagnie avait besoin de se reposer. Il fit signe à ses hommes à l’arrière que la cadence allait se faire un peu plus rapide. C’est ainsi qu’ils se dirigèrent vers le bruit si doux aux oreilles que produisait la rivière, avant de finir par apercevoir une troupe rassemblée le long de celle-ci. Lunh plissa les yeux, sa vue perçante le laissa distinguer quelques individus. Il y avait des hommes, et deux femmes parmi eux. A la vue de leur équipement, ils semblaient être sortis d’un exercice plutôt lourd et éprouvant, voire même humide... Des jeunes gens en apprentissage ? Probablement. La compagnie arrivait à leur niveau, doucement, sous le soleil qui continuait de monter haut dans le ciel. Rage tremblait un peu, il avait vraiment besoin d’une pause, pas parce qu’il était fatigué, mais parce qu’il commençait déjà à flancher mentalement. Lunh lui plaça doucement les doigts à deux points de son dos, pour le détendre. Heureusement qu’il avait de la viande dans leurs bagages...

[Luuna Solunae]

La remarque de Jord, le fait sourire. Bien évidemment qu’il fallait veiller à la bonne santé de la troupe. Mais vu le peu de choses qu’il leur avait fait faire, il ne pensait vraiment pas que la troupe ai besoin de panser ses blessures. En tout cas, dans la légion, on se battait des heures et des heures avant même de penser à regarder son état. Il se rappellerait toujours, ce jour, perché sur la première muraille, lorsque des hordes avaient déferlés des montagnes pour attaquer les murs d’un fortin du sud d’Isteroth. Oui, une bataille qui avait duré toute la journée et au final, tous étaient blessés partiellement ou profondément mais tous aspirait à se reposer pour profiter du peu de temps qu’ils leur étaient impartie avant le prochain assaut. Il sourit et avait décidé qu’il leur raconterait à ces recrues. Il répondit donc à Jord comme le lieutenant qu’il était :

« Si tu estimes que tes blessures sont trop lourdes pour te porter. Arrête la colonne et panse-les. Mais je me demande bien comment tu vas faire sans ton paquetage ? Réfléchis un peu. Nous sommes en pleine forêt, je n’ai posté aucun éclaireur. Nous sommes sensibles à la moindre embuscade. »

Il s’arrêta et prit une voix plus forte, celle de l’homme déçu par ses rangs :

« J’ai déjà vu des légions combattre nuits et jours sans même penser à dormir ! Sous les assauts incessants de l’ennemi. Et vous allez me dire, que vous recrues ! Qui avait trimé même pas quatre heures, vous osez prétendre vouloir panser vos blessures ?! Mais comment tiendrez-vous, le jour où vous devrez veiller deux nuits durant à ce que vos doigts ne gèlent pas sur le pommeau de votre arme ? »

Il se calma, après tout, ce n’était que des recrues et non encore des légionnaires. Puis, il commença à reprendre d’une voix plus calme :

« Pansez-vous, si vous le souhaitez. Vous avez encore grandement à… »

Il s’arrêta net, levant la main pour mimer la dispersion sur les flancs avec un geste de la main pour attaquer des probables hommes embusqués et dans tout les cas, se mettre à l’abris, même si il devait être trop tard étant donné que ce qu’il avait entendu devait les avoir déjà vu depuis longtemps. Ce qu’il avait entendu, couvert par le bruit de la rivière, c’était le bruit de sabots lourds sur le sol terreux. Et il avait compris qu’ils étaient suivi. Par quoi, ils ne savaient pas, aussi se retourna t’il, espérant que ses légionnaires réagiraient assez vite pour courir dans les fourrées et abattre la moindre embuscade qui veillait dans l’ombre. Il pesta d’avoir offert une pause à sa colonne et espéra grandement que ce n’était pas des ennemis. Il en endossait l’entière responsabilité et espérait que sa colonne ne terminerait pas dans le sang.

Il se retourna donc et regarda au loin ce qui arrivait, restant au milieu du chemin pour montrer qu’il faisait face et que ces nouveaux venus ne lui faisait pas peur. Car Léothen n’avait peur de rien. Il dégaina sa dague de sa spartiate et s’avança, l’arme à la main, vers ces hommes dont la moitié était à cheval et l’autre marchait à coté de leur monture où n’en avaient pas. Sa vue n’était pas des meilleurs mais plus il approchait et plus, il redoutait la rencontre. Des mercenaires, voila tout ce qu’il ne leur fallait pas aujourd’hui. En tout cas, sans une lance et un bon bouclier. Car c’était loin d’être des mauvais combattants. Appréhendant la rencontre, il finit par reconnaitre une tête connue dans le groupe, enfin reconnaitre, il n’était pas vraiment sûre, il faut dire qu’il avait vieillit. Mais, il s’en rappelait comme si c’était hier. Lunh, une vieille connaissance. Se disant que les gens fréquentant Lunh ne pouvaient pas être si mauvais, il rangea sa dague et fit un geste à son capitaine pour faire sortir ses hommes des fourrés.

Les hommes suivirent rapidement et il s’approcha de son vieil ami pour allait lui serrer la main, presque content de le voir. Il serait surement surpris de le voir ainsi si désarmé, lui qui ne quittait jamais sa lance et son bouclier…

« Voila, un homme que je n’aurais pas espéré recroiser un jour. »

Lui dit-il pour l’accueillir alors que ses propres hommes étaient déjà en train de se reformer en une colonne compacte et amovible.

[Sélène Syghiss]

Jord l’écoute et esquisse un sourire, secouant doucement la tête. Pourtant il ne prend pas la peine de détromper son supérieur et cela l’amuse en fait. Il s’incline et rejoint les rangs alors que la voix de Leothen s’élève blessante. Sélène blêmit et se faufile jusqu’à Jord puis penche la tête.

- Tout va bien ?
- Oui ne t’en fais pas Sélène, je vais on ne peut mieux.

Elle hoche la tête et serre les dents alors qu’une colère sans nom l’envahit. Il est bien beau ce discours mais lui a un avantage certain sur eux. Elle est si raide que les jointures de ses mains blanchissent et Jord pose une main sur les siennes. Il ne dit rien et secoue la tête. Sélène le regarde un moment puis se laisse doubler pour se mettre en fin de colonne, rejointe par Caëlia. Celle-ci ne dit rien devant la mine furieuse de son amie et soupire doucement. Puis brusquement tout le monde s’éparpille pour se camoufler dans les fourrés. Les deux femmes glissent dans un fossé, leurs dagues en main. Remontant à l’aide des bras, elles observent à travers les hautes herbes. Le Lieutenant est seul sur la route et plus loin, un groupe d’hommes et de cavaliers approche.

Apparemment cela ne fait pas partie du programme et les deux femmes disparaissent de nouveau. Aussi silencieusement que possible, elles remontent le fossé afin de passer derrière ceux qui sont peut-être des ennemis. Les autres recrues ne sont pas en reste, tous ayant oublié leur fatigue et se placent pour cerner les intrus. Des cris d’oiseaux se font entendre mais rien d’anormal. Elles n’ont pas fait plus de quelques mètres que le Capitaine ordonne le rassemblement. Les deux jeunes femmes sortent du fossé à quelques centimètres des premiers hommes et sans un regard pour eux, regagnent les rangs tout en rangeant leurs dagues.

Cette brève tension détend un peu Sélène mais la conforte de plus en plus dans un autre choix de vie. La troupe est silencieuse, attentive et avide d’en savoir plus sur l’homme que semble connaître le Lieutenant. Pour Sélène, la douleur revient de plus belle et profitant du fait qu’elle est un peu cachée, elle soulage de nouveau ses épaules.

[Lunh]

La surprise fut partagée dans le regard de Lunh et de Leothen. Il accueillit fraternellement celui-ci avec une accolade forte accompagnée d’un grand sourire des plus amicaux. Le Capitaine eu un éclat de joie qui traversa ses prunelles de glace.

- Leothen, si je m’attendais à ça. Le Destin est décidément plein de surprises.

Il se détacha de lui doucement, l’observant d’un œil amusé.

- Depuis quand te balades-tu aussi peu équipé ? Les années t’auraient-elles fait perdre ta vigilance d’antan ?

Gardant une main chaleureuse sur son épaule, il fit signe à ses hommes que la halte était donnée. Les mercenaires déposèrent leurs sacs, les montures furent soulagées d’une partie de leur poids, tandis que Cartilage se rapprochait de Rage pour l’entrainer à l’arrière et lui donner de quoi se calmer en attendant une augure plus favorable pour se défouler. Lunh posa son regard calme et glacé sur les membres de la troupe de Leothen.

- Alors, que fais-tu donc par ici ? Cela fait tellement de temps depuis que nos chemins se sont séparés.

Les membres de la compagnie demeuraient plutôt calme derrière leur Capitaine. Hormis Cartilage qui prenait en charge Rage, chacun regardait en silence les hommes et femmes -au nombre restreint de deux personnes semblait-il- de la troupe en face d’eux. La compagnie de mercenaires de son côté avait presque autant de membres masculins de féminins, tous à l’allure quelque peu sinistre. Au cours de leur dernier contrat, la Compagnie avait perdu beaucoup de biens, notamment au niveau de l’équipement et des vivres. La consolation de la solde payée avait donné pas mal de baume au cœur mine de rien. En revenant sur les terres de Resnie, chacun espérait bien se refaire quelques pièces d’armures, leurs armes, en revanche, étaient on ne peut plus prêtes à servir et en parfait état. Pour beaucoup, l’arme primait sur l’armure, car s’était ce qui leur avait permis de survivre jusque là mieux qu’autre chose, il fallait l’avouer. A cela, s'ajoutaient les traces des derniers combats qui, malgré les semaines passées, demeuraient bien visible pour la plupart. Certains du reste, avaient encore une atèle ou des parties du corps encore sous bandage. Mais grâce aux soins de leur guérisseur, ils étaient presque tous de nouveau en pleine santé. Fouillant dans sa poche, Lunh, venait de sortir un cône bourré d’herbe à pipe qu’il s’alluma d’une flamme à son index. Il utilisait rarement ses dons en magie, bien que plutôt prononcés, mais il préférait de loin avoir la joie de faire les choses lui-même plutôt que par le biais de celle-ci. Ainsi, la seule chose qu’on le voyait souvent faire, c’était ce geste simple pour pouvoir profiter de son petit plaisir personnel à fumer l’herbe à pipe. Déjà il sentait la tension se relâcher chez ses hommes, Rage devait être entrain de manger un bout de viande séchée, et la halte faite avec un accueil amical envers leur Capitaine les rendait moins sur la défensive.